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12.02.2021 / SANTé ET AFFAIRES SOCIALES RAPPORT ANNUEL 32EME

Les accidents du travail et les maladies professionnelles

L'extrait de mission
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Les accidents du travail et les maladies professionnelles

 

 

 Cadre général du système des accidents de travail et maladies professionnelles (ATMP)

 

Certaines dispositions du cadre réglementaire régissant le secteur de santé et sécurité au travail ne sont pas conformes aux normes et conventions internationales en vigueur. En effet, certains secteurs ne sont pas réglementés tels que celui de la prévention des risques des produits chimiques et d’autres sont régis par des textes obsolètes datent de plus de 40 ans qui ne tiennent pas compte des évolutions industrielles et économiques et sociales, en l’occurrence les textes relatifs au secteur du bâtiments et travaux publics ou les activités en relation avec les risques électriques.

 

Bien que les commissions techniques chargées de la préparation des textes aient achevé leurs travaux depuis 2016, plusieurs projets de loi visant à renforcer les mesures préventives et dissuasives ainsi que la compatibilité de la législation nationale avec les normes internationales n’ont pas été adoptés.

 

En outre, il a été relevé l’absence d’une stratégie et de programmes nationaux en matière de santé et sécurité du travail, bien que certaines recherches et études aient été effectuées à ce sujet. Cela s’ajoute au manque des bases de données techniques sur les risques professionnels et les symptômes physiologiques du travail et leur prévention.

 

Par ailleurs, L’absence d’un système d’information efficace et intégré permettant l’échange automatique de données entre les multiples intervenants a entaché la fiabilité des indicateurs de couverture. En effet, les statistiques annuelles sur le nombre de personnes effectivement couvertes par le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles ne sont pas exemptes des déclarations tardives ou inexactes de certains employeurs. En outre, la direction de la médecine du travail ne dispose pas de statistiques précises et à jour sur les entreprises actives dans le secteur privé par gouvernorat, par type d’activité et le nombre de leurs employés, ce qui entrave une planification efficace des inspections des conditions de santé et de sécurité au travail. 

 

La Cour recommande de développer le cadre juridique du système régissant les accidents de travail et maladies professionnelles, et d’assurer une meilleure coordination des interventions des parties prenantes. Elle préconise aussi, l’activation des structures de commandement et l’établissement d’une stratégie nationale de santé et sécurité au travail.

 

-         Prévention des accidents de travail et maladies professionnelles :

Il a été constaté un manque d’efficacité des inspections des conditions de santé et de sécurité au travail dans les entreprises. En effet, la direction de la médecine de travail n’a effectué aucune mission d’inspection sur 11% d’un échantillon d’entreprises ayant enregistré le plus grand nombre des accidents de travail mortels et maladies professionnelles, et a accompli  une mission unique pour 23% des entreprises du même échantillon au cours de la période 2015-2019 sachant que ces entreprises ont déclaré 79 accidents mortels et 1337 maladies professionnelles, ayant induit des indemnités d’une valeur estimée à environ 11 MD.

 

En outre, cette direction n’a pas sanctionné les employeurs des secteurs à risques professionnels élevés qui n’ont pas respecté les normes d’hygiène et de sécurité au travail ainsi que les mesures de prévention professionnelles recommandées.

 

Par ailleurs, la caisse n’a pas mis à jour les taux de cotisation de 51 employeurs affiliés au régime des accidents de travail et maladies professionnelles conformément aux taux réglementaires préconisés par le décret 99-1010 du 10 Mai 1999(1) pour leurs activités effectives, ce qui a engendré un manque de ressources annuelles pour la caisse estimé  par la Cour à environ 1,3 MD et l’encaissement  de cotisations indues de 76 mD.  

 

Bien que la loi 28-94 ait instauré un mécanisme de révision des taux de cotisation au régime ATMP en fonction du degrés du respect des employeurs des mesures de santé et sécurité au travail, la caisse n’a pas eu recours à ce mécanisme depuis 2009. En effet, elle n’a pas procédé à l’augmentation des taux de cotisation de 496 institutions à risque qui ont enregistré 496 accidents de travail au cours de la période 2015-2019, à raison de 4 accidents par mois, donnant lieu au versement d'indemnités d’une valeur de 137,6 M.D et n'a pas réduit les taux de cotisation de 214 institutions qui n'ont pas enregistré des accidents de travail au cours de la même période.

 

En outre, la caisse n’a pas veillé à assurer une assistance technique efficace aux employeurs pour l’amélioration des conditions de santé et sécurité au travail étant donnée qu’elle n’a accordé que sept prêts pour le financement de projets de santé et sécurité au travail au cours de la période 2014-2019, ce qui reflète la faiblesse de ses interventions dans ce domaine.

 

Ainsi, la Cour recommande d’effectuer un suivi rigoureux des taux de cotisations, de revoir les mécanismes de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, et de renforcer les fonctions de surveillance, d'inspection et d'appui technique aux établissements en allouant les ressources nécessaires aux structures concernées et en assurant le suivi des infractions constatées.

 

-         Gestion de l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail

 

La caisse ne procède pas au suivi des délais de déclaration des accidents de travail et la traduction des employeurs contrevenants devant la justice ce qui l’a empêché de bénéficier d’amendes éventuelles estimées par la Cour à 10.029 MD pour un échantillon de 100 288 déclarations tardives.

 

En outre, l’examen d’un échantillon de 5 253 déclarations d’accidents de la routesur la période 2015-2018 ayant entraîné le paiement d’indemnités journalières d’environ 3,9 MD, révèle que les enquêtes nécessaires pour la vérification du caractère professionnel de l’accident n’ont pas été effectuées ou réalisées avec un retard de plus d’un an dans 2 020 cas, induisant des indemnités indues d’environ 332 md.

 

Par ailleurs, la caisse n’a pas aligné la base de calcul des indemnités temporaires au salaire minimum garanti pour 15 702 dossiers sur la période 2016-Avril 2020 contrairement aux dispositions de l’article 43 de la loi n°94-28 privant ainsi les victimes d’indemnités temporaires d’une valeur globale estimée par la Cour à 639,254 md.

 

En plus, l’insuffisance du contrôle durant la période d’indemnisation ont conduit à l’attribution d’indemnités temporaires d’une valeur d’environ 1,747 MD pour 371 dossiers présentant un risque élevé de non-conformité aux dispositions légales requises compte tenu du fait que les bénéficiaires ont continué à percevoir leurs salaires ou leurs pensions de retraite au cours de la durée d’indemnisation, ou ont bénéficié d’indemnisation sans que la guérison ne soit contrôlée.

 

Aussi, la caisse a indûment versé des indemnités journalières d’un montant de               98,242 mD pour 47 déclarations d’accident dont le caractère professionnel n’a pas été prouvé ou pour une rechute hors des délais réglementaires.

 

A cet égard, La Cour recommande de mettre en place les mesures nécessaires pour l’amélioration du suivi des déclarations et de renforcer les enquêtes sur terrain afin de s’assurer du caractère professionnel des accidents et maladies déclarés. Elle préconise également de remédier aux manquements constatés lors de la liquidation des indemnités accordés aux assurés victimes d’accidents de travail.

 

-         Gestion de l'indemnisation de l'incapacité permanente de travail

 

La liquidation des dossiers des assurés a accusé un retard dépassant un an et atteignant parfois 4 ans dans 60% des cas dont 1387 dossiers demeurent en suspens et sans aucun suivi. La caisse a aussi omis de réviser les taux d’incapacité permanente pour 811 victimes malgré la survenue de l’échéance depuis plus de 10 ans pour un tiers des dossiers. Ces retards et manquements sont de nature à causer des préjudices pour certains assurés notamment pour ceux qui souffrent d’incapacité professionnelle totale ou qui sont décédés sans percevoir leurs indemnisations.

 

Il a été constaté que les ayants droits de 181 victimes d’accidents de travail mortels ont perçu leurs indemnités avec retard atteignant 8 ans pour 16 d’entre eux et ce en raison de la lenteur et l’inefficacité des procédures ou l’absence d’un échange automatique des données avec la caisse nationale de sécurité sociale. 

 

La caisse a par ailleurs, versé des indemnités d’environ 9,034 MD à 4746 victimes présentant des risques élevés de non-conformité aux dispositions légales due à l’inefficacité des procédures de suivi de l’évolution des conditions sociales des ayant droits d’une part et à l’absence de régularisation des cas de cumul des pensions de retraite et des rentes pour incapacité permanente de travail.

 

En outre, le recours hors délais contre les tiers et les employeurs violant leurs obligations légales ainsi que la non activation des conciliations à l’amiable avec les compagnies d’assurance en matière d’accidents de travail et maladies professionnelles ont privé la caisse du recouvrement de 32 MD au titre des accidents mortels et d’accidents de la route liés au travail.

 

D’autres part, bien que la caisse ait procédé au réajustement de la base de calcul des rentes pour indemnisation de l’incapacité permanente de travail pour 9573 dossiers pour une valeur totale d’environ 4.103 Md jusqu’en Avril 2020 ; 2538 autres dossiers d’assurés et d’ayants droits dont certains remontent à 2003 et 2008, demeurent encore non réajustés ce qui a privé des assurés de leurs droits à des indemnisations estimées par la Cour durant la période de mai 2019 à mai 2020 à 1,372Md.

 

La Cour recommande de respecter les délais légaux pour la liquidation des droits des bénéficiaires des rentes et capitaux et de renforcer les procédures de contrôle des conditions d’octroi de ces prestations, en mettant en place un mécanisme d’échange de données en temps réel avec la caisse nationale de sécurité sociale.

 



(1) modifiant et complétant le décret no 95-538 du 1er avril 1995 relatif à la fixation des taux de cotisations au régime de réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles

 
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